Dans ce second volume, l’histoire évolue, s’approfondit et devient encore plus mature. Hiroaki Samura réussit à nous intéresser à son scénario, bien qu’il s’agisse de l’histoire d’un être immortel. En effet, l’histoire peut sembler très convenue, avec un personnage sans limites et invincible, mais il n’en est rien. Manji, bien qu’immortel, ressent la douleur, le doute et sera même mis à mal; bref, c’est un personnage très humain. L’immortalité n’est pas ici une option de facilité de l’auteur de manière à créer des combats rapides et un héros intouchable, au contraire, elle sert au synopsis. L’immortalité est quelque chose que l’on souhaiterait, mais qu’en pensent ceux qui la possèdent ? Ce seinen manga est parsemé de ce genre de réflexions et nous pousse à réfléchir à notre tour (Lin : « Certains vivent sans atteindre leur but et les immortels vivent longtemps en sachant qu’ils ne l’atteindront pas… Qui est le plus malheureux ? »). Très vaste et profond, ce scénario ne nous ennuiera pas un moment grâce aux réflexions proposées et à la justesse des propos.
Après avoir lu le premier tome, nous pensons nous habituer au style graphique, mais il n’en est rien. En ouvrant cet album et en en parcourant les pages, nous sommes ébahis par tant de beauté, par un style si réussi et atypique. Tout d’abord, l’auteur dessine avec talent l’époque dans laquelle se déroule l’histoire, l’ère Edo semble parfaitement représentée, beaucoup de documentation a du être nécessaire pour cela. Mais au delà de ces sublimes décors, il dépeint une galerie de personnages variés, stylés et extrêmement détaillés. Détaillé, fouillis, recherché, sublime, violent, beau, poétique, tant de mots pour exprimer ce que nous ressentons devant le dessin de L’Habitant de l’Infini.
Grâce à cet effet crayonné et son découpage ultra dynamique et percutant, Samura arrive à nous entraîner dans un monde qui n’est pas notre, à totalement nous faire entrer dans son histoire. L’ambiance du Japon médiéval est très dure, une époque où la loi du plus fort existait encore et où les combats étaient légions. L’auteur la décrit à merveille à l’aide d’une représentation graphique excellente et réaliste à la fois, mais aussi grâce à de judicieuses remarques, questionnements intéressants et un talent incontestable pour narrer une histoire.
En l’espace de deux volumes, nous avons déjà fait la connaissance de très nombreux personnages. La galerie représentée est composée de protagonistes normaux, et d’autres beaucoup plus fous et intéressants. Ainsi, lire les conversations entre Manji et Eikû Shizuma s’avère vraiment intéressant tant ils font preuve de bon sens et de démesure (surtout Shizuma qui est très paradoxal). De plus, nous pouvons sentir que leur psychologie s’est creusée et que d’ici quelques temps, nous en saurons plus sur eux, et nous y attacherons bien plus.
Comme dit pour le premier tome, si l’histoire semble au départ peu originale, nous changeons vite d’avis devant de tels dialogues, réflexions et des personnages à la fois charismatiques et complexes. A l’aide de son coup de crayon vif et puissant, Samura nous raconte une sombre et violente histoire de vengeance qui, au fil des tomes, ne cessera de nous surprendre… Aucun doute à se faire à ce sujet, l’auteur est plein d’idées et fait preuve de beaucoup d’inventivité.
De la lecture de cette œuvre, nous sortons complètement retournés, intrigués et fascinés à la fois. Hiroaki Samura fait preuve d’une incroyable rigueur dans son travail, tant sur le plan graphique que scénaristique, et nous le ressentons. Ce seinen manga très mature sort des sentiers battus et saura vous faire passer un très agréable moment. Bourré d’aspects novateurs, L’Habitant de l’Infini s’inscrit décidément parmi les titres à posséder à tout prix. A mes yeux, il s’agit de l’un des meilleurs seinen du marché français et bien que le prix soit élevé, je doute que vous regrettiez votre achat.