Une fois de plus, comme à la sortie de chaque nouvel album de la série, la finesse et l’intelligence du scénario soigneusement concocté par Yazawa Ai nous épate. Ce tome, d’abord très enjoué lors du feu d’artifice, se tourne petit à petit vers le monde sérieux et manipulateur des affaires, ce qui donne alors une fin de volume particulièrement intéressante et aboutie sur la célébrité et ce milieu de requins. Les manipulations de ces derniers sont ici illustrées par le mariage de Ren et Nana, véritable opération médiatique et commerciale où ce sont les producteurs qui s’occupent de tout afin de vendre le plus de single possible des deux groupes et de leur faire la meilleure publicité possible. En effet, après en avoir fait des rivaux aux yeux du public afin d’augmenter leurs ventes, ils ont pensé que l’occasion (la proposition de mariage de Ren dans le tome 11) était parfaite pour les « unifier », rendre les deux groupes plus proches et ainsi rapprocher leurs fans respectifs.
Avec cette affaire, malgré que jusque là tout se passe plutôt bien, nous commençons à avoir des doutes quand à un dénouement joyeux de l’histoire, à un happy end. Ce coup publicitaire renforcera-t-il les liens des personnages ou les détruira-t-il ? Ca, nous ne le savons pas encore, mais une fin dramatique semble prête à montrer le bout de son nez. Enfin, quoi qu’il en soit, nous pouvons faire confiance à l’auteur, qui ne nous a jamais déçus jusqu’à présent (ou, en tout cas, qui ne m’a jamais déçu).
Graphiquement, c’est toujours aussi sublime et parfaitement maîtrisé. Le style unique de Yazawa, fin, épuré, esthétisé et doté d’un très fort caractère est parmi les styles les plus personnels et impressionnants à l’heure actuelle, ce qui explique – partiellement – le charme et le succès affolants de la série.
Ce qui fascine avant tout, c’est l’aspect visuel, extrêmement riche et travaillé, à la fois réaliste et très personnel. Yazawa, passionnée de mode, nous offre des styles (vestimentaires, gestuels, des manières de se tenir, de se maquiller, etc.) assez hallucinants, et ce pour chaque protagoniste, ce qui nous aide à mieux les cerner, à saisir qui ils sont et à mieux entrer dans cet univers qui n’est pas le nôtre. Cette recherche graphique assez intense se fait donc énormément ressentir, elle rend l’univers plus mature, presque palpable et permet à la dessinatrice quelques touches de folie et de fantaisie. Elle gère d’ailleurs tout aussi brillamment sa mise en page, d’une qualité et d’une fluidité indiscutables, et sait aussi insuffler beaucoup d’énergie, de dynamisme et de rythme aux scènes qui le demandent. Franchement, c’est grand… Très grand.
Si, depuis sa sortie en France, on ne tarit pas d’éloges sur la splendide bande dessinée qu’est Nana, c’est parce qu’elle le mérite amplement. Yazawa nous livre une œuvre incroyablement réussie : délicate bien que parfois très dure (sans jamais tomber dans le larmoyant), l’histoire est subtilement et génialement racontée; dotée d’un coup de crayon tout bonnement étourdissant de beauté, d’une narration sans failles et de personnages extrêmement attachants que nous prenons énormément de plaisir à suivre. LA perle rare du shôjo manga, à mon humble avis. Nana © 2000 by Yazawa Manga Seisakusho / Shûeisha Inc.