Si cette bande dessinée remplace la précédente de l’auteur, elle n’en est pas moins différente. Nous passons ici du shônen au seinen pour une histoire mature et racontée avec talent. Tout en parlant de la jeunesse japonaise, Inoue nous montre une fois de plus la force d’une passion – notamment pour le sport. Le récit est bien écrit, complexe et réfléchi, il s’intéresse à la psychologie de ses trois personnages principaux et leur évolution, ainsi qu’à leur passion commune pour le basket-ball (de quelque forme qu’il soit). Quoi qu’il en soit, le dosage approche de la perfection : des matchs et des rencontres ont lieu, tout en donnant de la profondeur aux protagonistes et au scénario. Rien n’est laissé de côté.
Ensuite, parlons de notre premier contact avec l’œuvre : son graphisme. Inoue Takehiko est connu pour son travail incroyable sur les séries Slam Dunk (série terminée en trente et un volumes chez Kana) et Vagabond (série de vingt volumes en cours de parution chez Tonkam), sa qualité graphique n’est donc plus à démontrer. Et pourtant, il réussit encore à nous surprendre. Ses dessins sont toujours aussi fins, travaillés, détaillés et dynamiques, mais il insère dans cette œuvre des figures de style, comme en littérature. Des métaphores recherchées, de qualité et non vides de sens (je pense notamment à l’excellente mise en image des pensées de Takahashi aux pages 174 et 175). La mise en page est, quant à elle, brillante et excellemment maîtrisée, ajoutons à cela des pages couleurs de toute beauté : disons-le clairement, Real est une prouesse graphique.
Tout en parlant d’un sujet dur, l’auteur réussi à introduire des passages amusants qui viennent alléger l’ambiance. L’atmosphère n’est pas particulièrement pesante, mais l’attachement qui se crée avec le personnage nous fait ressentir sa tristesse, son désarroi. Nous observons également comment les choses peuvent se dérouler dans les écoles et lycées, grâce à une très juste analyse de l’auteur. Inoue arrive donc, encore une fois, à trouver le juste milieu, sans tomber dans la déprime totale, ni dans un humour tellement présent qu’il rendrait le synopsis peu crédible et inintéressant.
La rencontre entre ces deux garçons que tout semble opposer changera leur vie, leur vision des choses et ouvrira leurs esprits. Kiyoharu qui avait pour habitude de se renfermer dans sa coquille en sort petit à petit, puisque Nomiya « tape dessus »; quant à lui, tout en gardant ses objectifs en tête, il regagne petit à petit une vie normale et le bonheur perdu depuis ce fameux accident. Pour finir, Takahashi étonne, par la tournure que les choses prennent, ce qui laisse présager du meilleur pour la suite.
L’originalité de Real, outre le fait qu’il parle du handi-basket-ball, est son traitement de l’histoire. Nous suivons en parallèle trois personnages très différents, chacun accompagné de ses problèmes et interrogations, et le tout semble relativement vaste. Le scénario est réussi et aborde des sujets très différents et importants avec finesse, c’est la diversité de cette bande dessinée qui la rend si unique.
Dans Real, Inoue Takehiko fait montre de son talent de dessinateur et de conteur, en nous décrivant une histoire particulièrement intéressante et mature. Le sujet est traité avec une maestria peu commune, et cela fait plaisir de voir que même en dessinant deux œuvres à la fois (Vagabond prépublié dans l’Afternoon de la Kôdansha et Real dans le Young Jump de la Shûeisha), l’auteur fasse un travail aussi réussi et rigoureux. Une petite perle qui laisse présager un futur chef-d’œuvre. Nous attendons la suite avec impatience, d’autant plus que l’édition de Kana est nickel.