Il était assez osé de s’aventurer dans une histoire d’un tel style, qui aurait très facilement pu sombrer dans le grand n’importe quoi, mais apparemment Soda est à l’aise avec les sujets difficiles à mettre en scène et nous raconte, à sa façon, la vie d’une jeune fille faite pour la danse. Le premier volume impressionnait par sa maturité et son aspect extrêmement tragique et émouvant. Celui-ci l’est moins, ou en tout cas, il est différemment touchant. Ce qui nous frappe cette fois-ci, c’est la volonté de Subaru qui ne reculera devant aucun effort pour arriver où elle veut. Sa ténacité émeut, mais ce qui nous touche le plus reste sa raison de se battre : Kazuma.
Cependant, et malgré cet aspect-là , ce titre contient une véritable fraîcheur transportée par l’héroïne, très vive, forte et attendrissante. Il faut aussi noter l’excentricité de certains personnages, notamment les danseurs du cabaret du Palais Garnier (en français dans le texte, avec la belle retranscription en katakana).
Le coup de crayon de Soda est, au premier coup d’œil, assez déstabilisant en ce qu’il est très fouillé et détaillé mais, en même temps, étrangement net et précis. Les scènes de danses sont décrites de manière gracieuse et forte, une immense passion s’en dégage et chaque page les mettant en scène transpire de l’amour de cette discipline. La patte de l’auteur est aisément reconnaissable tant il possède un style graphique personnel, dynamique et nerveux. Mais son plus grand talent – outre cette capacité à magistralement représenter les ballets et à leur donner toute leur force via une mise en page maîtrisée qui suit la protagoniste principale comme s’il en était fou amoureux – est sa manière de dessiner les yeux : ils sont d’une telle expressivité qu’ils suffiraient à retranscrire les émotions sans le moindre mal. Bref, l’auteur semble avoir atteint le sommet de son art mais risque d’encore nous surprendre à bien des reprises.
Avec Subaru – Danse vers les Étoiles, Soda Masahito – qui s’était déjà illustré dans un registre original avec Daigo – Soldat du Feu (disponible en France chez Kabuto) – nous revient en grande forme en nous proposant un manga joliment étonnant. Subaru suit énormément de codes du genre shônen (une héroïne ayant un talent unique et des prédispositions à la danse, qui s’améliorera à force d’entraînement et dépasse tout le monde…) mais s’en détache également très singulièrement. En effet, nous avons ici une majorité de personnages féminins, la rivale de Subaru, bien que sûre d’elle, ne fera pas remarquer sa rivalité aux autres et se montre très faussement modeste, etc. Enfin, en même temps, quoi de plus normal pour un seinen ? Mais je tenais tout de même à le préciser car la construction narrative, et ce dès la fin du premier tome, m’a fortement rappelée celle des shônen manga.
Au final, nous pouvons dire que si Subaru – Danse vers les Étoiles parvient à garder son irrésistible ambiance, alors cette bande dessinée a encore de bien beaux jours devant elle. Et on le lui souhaite, compte tenu du plaisir éprouvé à la lecture jusqu’à présent. Subaru © 2000 by Soda Masahito / Shogakukan Inc., Tôkyô.