Scénario

Le problème avec Vagabond, c'est que le rythme est extrêmement lent. Bien sûr, la narration est très bonne et vraiment détaillée, mais il n'empêche qu'à part quelques combats peu d'événements ont eu lieu en un volume, et qu'une impression de sur-place se fait réellement sentir depuis un petit moment. D'autant plus que nous suivons Kojiro depuis maintenant 6 volumes au détriment du vrai héros de l'histoire, à savoir Takezo/Musashi. Nous voici donc repartis dans le passé, la période actuelle se déroulant parallélement au premier tome. Ce qui promet encore de nombreux et, à ce rythme, fastidieux volumes pour rattrapper l'époque quittée au tome 13, à supposer qu'Inoue suive son nouveau héros jusqu'à ce stade sans éllipse...
A côté de cela, et même si la trame principale n'avance pas d'un pouce, il est toujours plaisant de se laisser entraîner dans l'univers de Kojiro, et la mise en parallèle avec Musashi est bien sympathique même si elle n'a pas été amenée de manière très subtile, à savoir par une cassure nette dans le déroulement de l'histoire (n'est pas Urasawa qui le veut).

nb: je n'évoquerai pas la fidélité par rapport au roman originel d'Eiji Yoshikawa, ne l'ayant pas lu.

Graphisme

Sublime. Réaliste, détaillé, vif, précis, élégant,... Le trait d'Inoue est tout cela à la fois et bien plus encore ! Vagabond bénéficie d'une utilisation optimale des trames, d'un découpage et d'une mise en page optimaux, de somptueux décors... Tout simplement l'un des manga(s) de type réaliste les plus réussis graphiquement sur le sol français (et international) à mon goût. Dommage toutefois qu'une (très) légère baisse de rigueur soit palpable depuis quelques tomes, mais rien de bien grave étant donné le niveau atteint.
Un grand bond en avant depuis Slam Dunk, dont les derniers tomes étaient déjà impressionnants !

Ambiance

Vagabond, c'est un Japon féodal parfaitement retranscrit. C'est aussi des duels, une recherche de la voie du sabre. Et une exposition réaliste des cruelles conditions de vie de l'époque, de la sauvagerie de ses batailles. Dans ce volume plus que dans les autres, on tranche à fond les ballons comme dirait l'autre, et les têtes sautent tandis que l'hémoglobine jaillit de tous les côtés. A ne pas mettre entre les mains de votre petite soeur ! Signalons l'atmosphère très particulière des combats de Kojiro; ce dernier étant muet de naissance, seuls ses adversaires brisent le silence, lui se contentant de regards peut-être plus significatifs encore que les paroles... ce qui donne un aspect très contemplatif à la lecture.

Du pur chambara, pour ce qui est sans doute le manga le plus réussi du genre à mon goût (je citerais bien L'habitant de l'infini voire Lone Wolf and cub, mais le style et l'approche sont assez différents).

Personnages

Inoue a su créer des figures imposantes et charismatiques.
Kojiro étant actuellement le personnage central dont nous suivons l'apprentissage du combat et de la vie, il est le plus intéressant et le plus développé des protagonistes de ce tome. Sourd, muet, et élevé le sabre au poing, ce jeune homme fascinant, proche de l'état d'autisme ne vit que pour le combat, suivant ses instincts primaires et sa soif de victoires. Autour de lui gravitent Ito le samurai expérimenté, le jeune Gon'nosuke ou le groupe de guerriers en fuite. Autant de personnalités charismatiques, même si moins marquantes que celles des 13 premiers tomes.
Dommage à ce propos que Musashi ne soit plus présent depuis une demi-douzaine de volumes, exceptée une apparition furtive dans le tome précédent, car il est tout de même autrement plus intéressant que Kojiro à mon goût...

Originalité

Au premier coup d'oeil, Vagabond n'a rien de particulièrement original en soi mais je vous mets au défi de trouver un manga de sabre aussi réussi graphiquement et immersif. En cela, il n'y a pas deux oeuvres comme celle d'Inoue. Signalons également que l'histoire ne suit pas le roman originel mais se distingue de ce dernier en ce qui concerne la direction du scénario ou les caractères des personnages rencontrés. Une vision personnelle du mythe de Musashi, en somme.

Vagabond est une merveille esthétique doublée d'un concentré de plaisir à l'état brut, qui fera frissonnner de bonheur le fan de sabre. Par contre, si vous n'aimez pas le genre la pilule passe plus difficilement vu le rythme très lent du scénario et le prix du volume, très élevé pour un temps de lecture bien plus court qu'un titre classique. De quoi laisser le lecteur sur sa faim, surtout que ce volume n'est pas le plus riche de l'arc Kojiro. Mais au final, Vagabond reste excellent et mérite le coup d'oeil. J'espère seulement qu'Inoue nous ramènera vite à Musashi qui me manque cruellement.