Scénario

Ce scénario d’Ôtsuka Eiji, auteur à qui nous devons également MPD Psycho (série en cours de parution chez Pika), est des plus sombres et dérangeants. Nous découvrons avec Leviathan que l’auteur, qui nous a déjà habitué à son fol imaginaire dans son autre manga publié en France, avait déjà commencé à explorer certains sujets. Ainsi, dans ce seinen d’une noirceur peu commune, les plus horribles facettes de l’être humain et de notre société moderne sont démontrées à travers divers exemples plus extravagants les uns que les autres. Ce qui étonne est que l’histoire se situe dans le monde réel, celui que nous connaissons. Mais surtout que cela n’empêche pas le scénariste de créer un récit cohérent, basé sur de nombreuses références religieuses; ce qui n’est, je dois bien l’avouer, pas pour me déplaire. Par contre, par moment, c’est assez fouillis et complexe, mais cela passe mieux à la relecture.

Graphisme

Derrière une première couverture loin d’être formidable (surtout comparée aux prochaines) se cache un style graphique réussi. Kinutani Yû est un dessinateur de grande classe, les visages sont extrêmement bien dessinés, pleins de détails tout en gardant un aspect très fin et léché. Son style graphique est soigné et très personnel, et nous découvrons un changement radical pour les images répugnantes, car en effet, il arrive à transformer, à modeler son coup de crayon en quelque chose d’impur et d'écœurant. Les illustrations sont donc très réussies et collent très bien avec l’histoire, à noter un découpage plutôt carré mais efficace.

Ambiance

L’ambiance décrite dans cette bande dessinée est troublante. Une atmosphère malsaine pèse sur l’œuvre dans sa globalité, elle entraîne des questionnements mais peut aussi rebuter. Effectivement, le scénariste se plaît à parler de dégénérescences physiques et autres déformations du corps humain, ce qui peut bien évidemment être une barrière à la lecture de ce manga. Néanmoins, pour peu que l’on accepte cet aspect des plus étranges, l’adhésion sera totale, car il semblerait que Leviathan fasse partie de ces œuvres que l’on adore ou qu l'on déteste.

Personnages

Dans ce premier tome, nous découvrons à peine les personnages et ne connaissons donc presque rien d’eux. Mais ils semblent néanmoins avoir un bon potentiel à exploiter, notamment Kôhei Samizo qui se révèle bien mystérieux, mais également l’« Ange » Akane qui pourrait bien nous surprendre dans les tomes à venir… Seul le temps nous le dira.

Originalité

Ce manga trouve son originalité dans bien des côtés, d’une part grâce à la façon torturée et folle de voir les choses d’Ôtsuka, d’autre part grâce aux remises en question qu’elle entraîne, les références bibliques ou mystiques (« Le grand roi d’effrayeur », référence à la formule de Nostradamus) mais aussi grâce à son dessin au caractère très prononcé. Autre chose importante à signaler, la politique est très souvent impliquée dans l’histoire, ce qui permet des critiques, implicites ou explicites, du monde politique actuel.

Premier tome d’une série encore en cours composée aujourd’hui de onze volumes, ce manga d’Ôtsuka Eiji et de Yû Kinutani est intéressant et pose des bases solides qui laissent présager une suite de qualité. Le décors est planté, cette œuvre à l’imaginaire dérangée est une symbiose parfaite entre le graphisme et le synopsis. Affaire à suivre donc, nous verrons comment les auteurs exploiteront le fort potentiel de leur série, mais aussi ce qu’ils en feront et comment ils la dirigeront…