Le scénario avance de manière toujours originale et captivante, Karakuri Circus est un titre extrêmement rythmé à la narration brillante et très bien travaillée. Sous ses allures de shônen de baston, c’est en fait une œuvre particulièrement intéressante et en tous points réussie qui offre une réflexion sur l’homme et la nature humaine grâce à des questionnements intelligents (Que fait l’homme ? Devrions-nous tous réagir de la même manière face à des évènements marquants ? Qu’est-ce qui nous différencie des marionnettes ?). Fujita continue sa mise en rapport entre homme et automate, et arrive à faire grandir ses personnages, notamment la princesse qui évoluera beaucoup au cours des pages de ce dixième volume de la série. Bref, ce manga est un excellent mélange de folie, d’originalité, d’action et de réflexion, aux personnages attachants et à la trame principale plus profonde et recherchée qu’il n’y paraît.
Fujita Kazuhiro possède un style graphique vraiment atypique et personnel. A la manière d’Araki Hirohiko (JoJo’s Bizarre Adventure), il s’est créé son type de dessin, ses codes narratifs, et un monde vraiment à part et en perpétuelle évolution. Car oui, l’une des forces de ce shônen est sa capacité à se renouveler sans jamais tomber dans le n’importe quoi, et c’est également le cas au niveau des graphismes. Est-ce qu’un autre auteur aurait pu mener à bien une telle histoire sans jamais se répéter ? Possible, mais j’en doute, alors que Fujita innove sans cesse et ses planches n’arrêtent pas de nous surprendre, les automates changent constamment, les styles de combats sont tous très typés et les différences sont clairement visibles. En plus d’avoir un style complètement hors normes et attachant, il arrive à garder beaucoup de cohérence et nous gratifie d’une mise en page vraiment dynamique.
Vivant, pétillant, maîtrisé et unique me semblent être les mots les plus adaptés pour décrire l’univers de Fujita, l’un des artistes majeurs de la BD masculine de ces dernières années.
Narumi est vraiment un protagoniste touchant et délirant, il est certes l’archétype des héros de shônen manga mais il n’a rien de désagréable ou d’agaçant comme Seiya (Saint Seiya de Kurumada Masami, en vingt-huit tomes chez Kana) ou autre héros parfait. Non, Narumi gaffe sans arrêt, il se trompe et a un caractère de cochon, mais qu’est-ce qu’il est sympathique et amusant ! Quant à Guy et Lucille, nous apprenons petit à petit à les apprécier mais nous ne pouvons nous empêcher d’être surpris par leur vision des choses assez peu commune. Pour finir, la princesse Elise changera énormément dans ce tome et s’est avérée bien moins désagréable que nous aurions pu l’imaginer, bien au contraire même.
Moins original qu’un JoJo’s Bizarre Adventure mais plus original que la production de masse actuelle, Karakuri Circus sort véritablement du lot et ne devrait pas avoir trop de mal à vous séduire. Les scènes se suivent mais ne se ressemblent pas et l’aspect décalé est un plus non négligeable, car il n’est pas rare de rire devant certaines situations cocasses ou passages étonnants. Dans tous les cas, il n’y a pas de place ici pour l’ennui ni pour la monotonie, alors si vous cherchez à être dépaysés, vous savez vers quelle bande dessinée vous tourner (en plus de l’autre titre précédemment cité, bien entendu).
Karakuri Circus est certainement ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle en matière de shônen, et sans aucun doute l’un des meilleurs titres du genre à avoir atteint le marché français, malheureusement, il remporte très peu de succès, bien qu’il mériterait d’être vraiment connu et de mieux se vendre sous nos latitudes. En tout cas, c’est très frais, drôle, vivifiant et bien pensé. On en redemande tellement c’est bon ! Par contre, il semble y avoir eu quelques problèmes pour l’édition de ce volume dans lequel certaines planches sont assez floues ou pixelisées, mais les défauts matériels (changement de couverture et quelques pages moins nettes) sont bien les seuls reproches que l’on pourrait faire à l’œuvre ! Karakuri Circus © Fujita Kazuhiro 1999 / Shogakukan Inc., Tôkyô.