L’histoire de Baki est assez classique, elle propose des personnages puissants et en quête d’adversaires de taille, des performances physiques impressionnantes et de très nombreux combats. Néanmoins, il y a quelque chose de spécial, tout d’abord dans la manière de traiter le sujet, il y a bien sûr une volonté de combattre, mais c’est pour connaître une sensation nouvelle, celle de la défaite. L’auteur, Itagaki Keisuke, réussit un très bon tome d’introduction en s’attardant le temps d’un chapitre sur chacun des six protagonistes (les cinq condamnées et Baki) que nous suivrons tout au long des volumes. Ce manga est spectaculaire, impressionnant et peu crédible, mais cela contribue à son charme, un peu comme JoJo’s Bizarre Adventure d’Araki Hirohiko qui arrive à tenir le lecteur en haleine grâce à de multiples innovations et une folle créativité. Si nous ne pouvons pas encore trouver dans Baki les mêmes qualités que dans l’œuvre culte citée plus haut, nous pouvons déceler de bonnes bases qui promettent beaucoup de délire et de folie, car en effet, aucun des personnages que nous allons découvrir au fil des pages n’est tout à fait normal.
Graphiquement parlant, ce shônen n’est pas banal. Le style graphique d’Itagaki en déstabilisera plus d'un, pourtant chaque planche est travaillée. Les visages sont expressifs (notamment grâce au grand soin apporté sur les yeux), les décors et les arrière-plans sont très présents et réussis, et les séquences de combat extrêmement violentes et dynamiques. Nous remarquons que les positions sont étranges et parfois à peine réalisables, les muscles sont hypertrophiés; tout est exagéré, et c’est en cela que l’influence d’Araki, et plus précisément de JoJo’s Bizarre Adventure, se fait ressentir, même si nous n’atteignons pas (encore ?) le même niveau. A noter également une bonne utilisation des trames qui offre un agréable jeu de lumière, et une mise en page percutante, tout comme ce manga dans sa globalité (ce qui peut bien évidemment déplaire).
L’ambiance de Baki est assez surprenante, c’est une sorte de mélange entre le combat libre (free fight) de Tough et la folie créative de JoJo’s Bizarre Adventure. Nous retrouvons beaucoup de violence, des personnages amoraux (Hanma Baki mis à part), et une exagération permanente (violence à outrance, personnage caricaturaux mais extrêmes…). C’est un style hors normes qui en ravira certains et en répugnera d’autres, c’est assez hallucinant et il faut se prendre au jeu dès le départ pour pouvoir apprécier cette bande dessinée à sa juste valeur, il faut savoir la prendre au second degré pour accepter son côté outrancier, délirant et excessif.
Les personnages ne sont pas encore très nombreux et nous ne savons que très peu de choses sur leur compte. Itagaki s’amuse à créer des monstres de puissance affreusement impressionnante, de vrais colosses dotés d’une musculature rare… Les protagonistes sont des archétypes absolus et sont tellement caricaturaux qu’ils en deviennent intéressants. Car effectivement, l’auteur semble prendre un malin plaisir à détourner les stéréotypes et à s’en amuser en les exagérant au maximum. Par exemple, les condamnés sont vraiment extrêmes, ce sont des « méchants qui aiment combattre, ne vivent que pour combattre, et n’ont jamais connu la défaite », ce sont des « méchants vraiment méchants » qui n’hésiteront pas un seul instant à faire le mal pour parvenir à leurs fins. Et c’est en cela que ce manga fait fort, nous rions devant de tels personnages, mais nous nous prenons au jeu et voulons en savoir plus…
L’originalité de ce shônen peut être approuvée ou non. D’un côté, nous avons un premier volume introductif composé d’explications, de combats, d’ultra-violence (© A Clockwork Orange de Stanley Kubrick) et d’une intrigue somme toute classique. Mais d’un autre côté, nous avons un dessin peu commun, une folie que nous ne trouvons que dans très peu de séries, la notion de synchronisation… Bref, selon notre sensibilité et notre vision des choses, nous pourrons trouver l’œuvre plus ou moins originale, car si nous la lisons au premier degré, il n’en ressortira que de la violence, mais au second degré, cette violence à outrance devient presque amusante tant tout est exagéré et elle permet à Baki de s’imposer comme une série divertissante, sans limites, non-conformiste, profondément anormale et déjantée.
Cette œuvre d’Itagaki Keisuke est vraiment le type de manga en marge de ce qui se fait habituellement. Certes, il n’a rien de vraiment transcendant, mais il est tellement extrême, excessif et poussif qu’il en devient jouissif. Baki est un manga plutôt réussi, il ne plaira sûrement pas à tous, mais sa folie pure (prise au second degré) a su me convaincre, et je ne saurais que le conseiller à ceux qui demandent à être dépaysé et qui se plaignent du manque d’originalité des shônen.