Interview Laurent Duvault des éditions Soleil

Laurent Duvault est le directeur éditorial du label manga de chez Soleil. Cet éditeur possède un catalogue intéressant et une vrai passion du manga. Nous avons voulu en savoir plus sur la motivation et la façon de travailler de cette veille maison d'édition qui débute dans le manga.

Mangagate : Soleil existe depuis longtemps dans le paysage éditorial, pouvez-vous nous parler de la création de Soleil Manga ?

Laurent Duvault : Au début, Soleil faisait du manga avec Vegetal Manga mais nous avons fait des erreurs de jeunesse. Quand je suis arrivé, la situation était catastrophique; de mauvaises traductions; de mauvais scans, des erreurs d’imprimeurs... Contrairement à d’autres, je n’ai pas choisi le manga par opportunisme ; je m’y intéresse depuis des années. Depuis mes débuts chez Zenda, il y a presque quinze ans, puis aux Éditions Delcourt où un rapprochement a été envisagé avec le groupe de presse M.S.E. devenu plus tard PIKA. J'ai même tenté de lancer du Manga chez Dupuis pendant près de dix ans, mais au moment où ça commençait à partir, Dargaud a tout racheté et n’a pas souhaité poursuivre. Quand je suis arrivé chez Soleil, on s'est donné 6 mois pour refaire des traductions, faire le ménage dans nos séries. On a détruit plus de 10 000 euros de matériel, pilonné quelques livres à la fabrication ou à la traduction plus approximative, formé une nouvelle équipe solide et on a tout reconstruit. Je tiens à souligner que Soleil c'est le travail de toute une équipe (j'inclus l’équipe proche mais aussi les traducteurs, les retoucheurs ainsi que les imprimeurs qui ont compris l'importance du Manga et qui commencent à se spécialiser)

Mangagate : Combien de personnes travaillent à Soleil Manga ?

Laurent Duvault : A peu près 5 personnes à plein temps qui s'occupent de la partie asiatique, en plus de 5 à 6 traducteurs et 2 retoucheurs qui gravitent.

Mangagate : Quel est le public visé ?

Laurent Duvault : On vise les 12-25 ans en priorité, mais on cherche à offrir du manga pour tous les fans. D'où notre association avec Asuka et SeeBD, le but étant de cultiver les points forts de chacun.

Mangagate : Comment choisissez-vous vos séries ?

Laurent Duvault : Le manga est un genre littéraire à part, il est donc pour moi très important de le défendre ! Pour choisir nos séries, comme un éditeur de BD traditionnel, on marche au coup de coeur. Etant nous même fans de manga, depuis 20 ans pour ma part, nous sommes donc aussi les premiers lecteurs de nos séries.

Mangagate : Quels sont selon vous vos avantages et défauts pour faire face à la rude concurrence ?

Laurent Duvault : Nous, on aime ca ! Ce qui n'est pas forcement le cas de tous les autres éditeurs. Nous sommes très réactifs et on se met à la place de nos lecteurs quand on travaille sur une série. Donc pour répondre à votre question, nos points forts sont, je pense notre marketing, notre dynamisme et la qualité de notre travail qui peu à peu commence à être reconnue, même si on a et on aura toujours des choses à améliorer. C'est le sérieux de nos ouvrages qui a conquis plusieurs grosses maisons d'éditions japonaises.

Mangagate : Comment se passent vos relations avec les éditeurs japonais ? Le fait d'être une branche d'un grand éditeur de BD vous aide-t-il ?

Laurent Duvault : Au fur et à mesure, nous avons d’excellentes relations grâce à cette qualité de nos livres et aux efforts que nous faisons pour la promotion. C'est très intéressant, on dépasse avec certains partenaires au Japon le simple stade de la vente de droits, on a plus d'échange et on construit des projets ensembles.

Mangagate : Vous publiez aussi des auteurs autres que japonais et coréens, vous croyez vraiment que ce “manga alternatif” peut marcher en France ?

Laurent Duvault : Il y a une vraie réaction internationale face au manga, que ce soit à Taiwan, à Hong-Kong, en Chine... car aujourd'hui je pense que le talent est partout et sous toutes les formes. ET que les lecteurs sont capables d’apprécier les bonnes histoires quelque soit la nationalité de l’auteur.

Mangagate : Mais je voulais surtout mettre le point sur vos auteurs allemandes.

Laurent Duvault : Oui on croit beaucoup à cette seconde vague, celle de ceux qui ont grandit et appris dans le manga, tels que nos deux jeunes allemandes Christina Plaka et Anike Hage. Leurs titres sont d'une honnêteté totale et ont une personnalité propre, ce n'est pas de la “copie de manga” : c’est un nouveau genre.

Mangagate : Après Delcourt et Tonkam, vous vous êtes rapproché d’Asuka, pourquoi Asuka ?

Laurent Duvault : Oui parce que l'on a beaucoup de respect et d'admiration pour leur boulot, ce que ces 3 personnes ont fait de Asuka. On trouve qu'il est intéressant de confronter différents point de vue et qu'ils font du bon travail.

Mangagate : Pensez-vous qu'en 2006, il n'y ait plus de place pour de petits éditeurs ?

Laurent Duvault : Il y aura toujours de la place pour les petits éditeurs, même si 25 éditeurs pour un seul marché fait peur aux japonais. Je pense qu'il faut rester humble, nous même avons commencé petits.

Mangagate : Actuellement les séries Soleil Manga sont mélangées aux autres BD de Soleil sur votre site internet, pensez-vous à court terme créer un site web dédié à Soleil Manga ?

Laurent Duvault : Nous avons toujours eu envie de faire un site dédié aux manga. Mais on voulait aussi présenter le manga à nos lecteurs habituels de BD, donc un site dédié viendra plus tard. On a beaucoup de respect pour les sites comme vous et on recherche du partage.

Mangagate : Pouvez-vous nous faire un petit bilan de 2005 ?

Laurent Duvault : Je pense que l'on a pris une bonne place sur le marché, et si on est passé de 2 à 6 titres par mois dont Samourai Champloo, L’Escadrille des Nuages, Yaiba ou des séries allemandes, on essaye de panacher les genres afin de ne pas s’auto-concurrencer. Et on s’est attaché à garder les prix les plus bas possibles

Mangagate : Un petit bilan de votre séjour a Angoulême ?Un petit bilan de votre séjour a Angoulême ?

Laurent Duvault : 4h de sommeil par jour c'est juste ! (rires) Sinon, cela s'est bien passé et c'est la première année que l'on a un stand manga. Ce que l'on aime c'est que la vente se transforme en fête, avec l'organisation de concours, distribution de bonbons... Ce que l'on apprécie aussi c'est le contact, l'échange direct avec le lectorat et on compte bien renouveler cette expérience avec le Fanfestival (NDLR: 17-19 février à Cannes), au salon du livre de Paris et bien sur avec la Japan-Expo.

Mangagate : Une petite exclusivité pour MangaGate ?

Laurent Duvault : Ah ! C’est toujours difficile... tout ce que je peux vous dire c'est que l'on a de grands projets avec Enterbrain (un éditeur Japonais qui monte, qui monte…).

Mangagate : Merci et bonne continuation pour 2006 !

Laurent Duvault : Merci bien, c'est gentil, bonne continuation à vous aussi !

Cette interview a été recueilli à l'occasion de Festival de la Bande Dessinée d'Angoulême le 28 février 2006